- Origine et développement du cardinalat
- Création des cardinaux
- Composition et organisation du Sacré Collège
1. Origine et développement du poste de cardinal
L’origine du collège des cardinaux prends sa source dans l’’Ancien Testament. L’Ecriture Sainte nous rapporte que Dieu choisit Moïse pour agir comme médiateur entre lui et le peuple. Moïse exerçait à la fois l’autorité politique sur Israël et servait de porte-parole du Seigneur :
“Et maintenant, va, je t’envoie auprès de Pharaon, pour faire sortir mon peuple, les enfants d’Israël.” Moïse dit à Dieu : “Qui suis-je, pour aller vers Pharaon et pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël?” Dieu dit : “Je serai avec toi; et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’ai envoyé : Quand tu auras fait sortir le peuple d’Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne.”
Exode 3, 10-12
Dieu confia à Moïse la tâche d’enseigner sa loi, de prier et d’offrir des sacrifices pour Israël, d’organiser des fêtes religieuses comme la Pâque, et de superviser la construction de la tente destinée au culte. Moïse mit également en place une organisation hiérarchique pour l’assister : il consacra son frère Aaron en tant que grand prêtre, institua soixante-dix anciens pour le soutenir, et désigna les membres de la tribu de Lévi pour servir au sein du sacerdoce :
Le Seigneur dit à Moïse : “Assemble-moi soixante-dix hommes des anciens d’Israël, que tu connais pour être anciens du peuple et préposés sur lui; amène-les à la tente de réunion et qu’ils se tiennent là avec toi. Je descendrai et je te parlerai là; je prendrai de l’esprit qui est sur toi et je le mettrai sur eux, afin qu’ils portent avec toi la charge du peuple, et tu ne la porteras plus toi seul.”
Nombres 11, 16-17 cf. Lv 8.
Lorsque Jésus-Christ a marché sur cette terre, lui aussi a établi une hiérarchie, à l’image de l’ordre présent dans l’Ancien Testament. Il a appelé à lui-même douze apôtres en leur donnant le pouvoir et l’autorité d’enseigner tout ce qu’il a enseigné, de chasser les démons, de baptiser, d’oindre les malades, de pardonner les péchés et de célébrer la Sainte Eucharistie (Cf. Mt 10, 5-15 ; Mt 28, 19-20 ; Mc 6, 13 ; Jn 20, 19-23).
Le Christ a également nommé soixante-dix autres personnes, qui bien qu’ayant reçu moins de pouvoir, étaient bien présent (cf. Luc 10, 1-20).
Dans l’Ancienne Alliance, le sacerdoce se transmettait par héritage familial, tandis que dans la Nouvelle Alliance, il est transmis par l’ordination sacramentelle. Après l’Ascension du Christ, les apôtres ont ainsi renforcé leur groupe en ordonnant Matthias pour remplacer Judas (cf. Actes 1)
Les apôtres ont aussi institué un nouveau degré dans les Ordres Sacrés en demandant aux disciples de choisir sept hommes chargés de servir l’Église pour les besoins liturgiques et quotidiens : les premiers diacres
Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples et leur dirent : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. » Ces propos plurent à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un converti au judaïsme, originaire d’Antioche. On les présenta aux Apôtres, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains.
Actes 6, 1-6 cf. Actes 8, 12.
Dès les premières communautés chrétiennes, nous voyons une distinction entre plusieurs ordres : Les évêques, les prêtres et les diacres. L’origine du collège des cardinaux est donc étroitement liée à celle du presbyterium. Dès le début de l’Eglise, chaque église possédait un presbytère, c’est-à-dire un conseil composé de prêtres et de diacres chargés d’assister l’évêque de la vie dans sa mission pastorale.
Saint Ignace d’Antioche, disciple de l’apôtre Pierre, dans ses lettres aux premières communautés chrétiennes, insiste sur le respect et la soumission dus non seulement à l’évêque, mais aussi à ce presbytère, qui était un conseil épiscopal où il y avait des prêtres et des diacres. Saint Ignace demande aux Tralliens de :
révérer les presbytres comme le sénat de Dieu et le conseil des apôtres.
Épîtres aux Tralliens, III, 1.
L’évêque de Rome, en raison du poids de ses responsabilités, s’entoura très tôt d’un groupe de conseillers permanents. Le Liber Pontificalis atteste qu’autour du pape Évariste (vers 99–107), se trouvait déjà un groupe de sept diacres.
Plus tard, ils reçurent également la charge de l’assistance aux pauvres à Rome et seront répartis dans sept régions fondé par le pape Fabien. Le nombre de diacre évolua au fil du temps, passant de 7 à 19, avant d’être ramené à 14 par Sixte V.
Quant aux prêtres, certains exerçaient leur ministère à proximité immédiate du pape, tandis que d’autres étaient affectés à des églises désignées sous le nom de tituli. Le pape Marcel aurait institué 25 églises dans Rome, chacune avec son titulaire. Ces titulaires des tituli en vinrent à exercer une forme de gouvernement quasi-épiscopale sur les églises voisines.

La spécificité du cardinal romains réside dans son lien direct avec le pape et son rôle dans le gouvernement de l’Église universelle. Au fil du temps, le clergé romain se distingue davantage par l’intégration d’évêques suburbicaires, c’est-à-dire ceux des diocèses limitrophes de Rome (Ostie, Porto, Sainte-Rufine, Albano, Tusculum, Préneste et Sabine). Ces cardinaux-évêques remplissaient certaines fonctions liturgiques importantes au nom du pape, notamment à la basilique du Latran.
Ces prêtres et diacres attachés de manière stable à une église romaine reçurent peu à peu le titre de cardinal. Les cardinaux sont alors les principaux assistants du pape et ils seront associés à trois degrés : les cardinaux-évêques, les cardinaux-prêtres et les cardinaux-diacres.
Ce collège fut progressivement structuré : La preuve des cardinaux considérés comme un groupe apparaît en 853, lorsque le pape Léon IV a appelé des cardinaux des trois rangs pour l’aider à prendre des décisions pour le diocèse de Rome (cf. Liber Pontificalis [MANSI 14, 1009-1016]).
Sixte V fixa définitivement la composition du Sacré Collège à 70 membres : 6 cardinaux-évêques, 50 cardinaux-prêtres et 14 cardinaux-diacres. Aujourd’hui, cette organisation est encore en vigueur aujourd’hui, bien que le nombre de cardinaux soit supérieur.
L’influence exceptionnelle du collège cardinalice s’est arrêtée au XIe siècle, lorsque le pape Nicolas II leur conféra, en 1059, le droit exclusif d’élire le pape. Ce privilège fait du collège un organe essentiel du gouvernement ecclésial.
2. Création des Cardinaux :
Le pouvoir de créer des cardinaux appartient exclusivement au pape. Il peut, s’il le souhaite, consulter d’autres membres de l’Église, mais la décision finale lui revient. Son choix doit se porter sur des candidats présentant les mêmes qualités que celles exigées pour l’épiscopat, notamment en ce qui concerne leur conduite de vie, leur intégrité morale, leur doctrine et leurs compétences (Cf. Concile de Trente, session XXIV, chapitre 1).

Lors de la cérémonie, le pape confère à chaque nouveau cardinal la barrette et le chapeau rouges, symboles de leur engagement jusqu’au martyre. Il leur remet un anneau orné d’un saphir et leur assigne a une église de Rome qui marque leur intégration au clergé romain.
Dans un geste rituel fort, il leur “ouvre” et “referme” la bouche, soulignant leur devoir de parler avec sagesse, mais aussi de savoir se taire avec prudence. Ce sont des gestes symboliques car dès l’instant où sa nomination est officiellement proclamée, un cardinal dispose de tous les droits liés à sa charge, y compris celui de participer à l’élection du pape, même s’il n’a pas encore reçu ses insignes.
Il arrive que certains cardinaux soient créés in pectore (“dans le cœur” du pape). Cela signifie que le souverain pontife décide de leur nomination, mais garde leur nom secret, souvent pour des raisons politiques ou de sécurité. Une fois ce nom révélé publiquement, l’ancienneté de ce cardinal est calculée à partir de la date de sa création initiale. Cependant, si le pape meurt avant d’avoir proclamé publiquement le nom du cardinal in pectore, cette nomination devient caduque.
3. Composition et organisation du Sacré Collège
Le Sacré Collège des cardinaux est composé de trois ordres distincts (titre cardinalice) :
- Les cardinaux-évêques (souvent les plus anciens avec des rôles importants à Rome)
- Les cardinaux-prêtres (majoritairement des évêques diocésains en plus de leur église à Rome)
- Les cardinaux-diacres (souvent des prélats de la Curie romaine ou des théologiens)
Contrairement à ce que leurs appellations pourraient laisser penser, ces titres de cardinal-évêque, cardinal-prêtre ou cardinal-diacre ne repose pas sur l’ordination sacramentelle des cardinaux mais uniquement de leur rang dans le collège cardinalice.
Pour prendre un exemple concret, Robert Sarah était Archevêque de Conakry (Guinée) et a été crée cardinal par le Pape Benoît XVI en 2010 en tant que cardinal-diacre puis en 2021, à la suite de sa démission de son titre de préfet de la congrégation du Culte divin, il est devenu cardinal-prêtre de l’église romaine San Giovanni Bosco in via Tuscolana.
Ensemble, ces trois ordres forment un corps collégial. À la tête du Collège se trouve le doyen, qui préside les assemblées et représente l’ensemble des cardinaux. En règle générale, ce poste revient au cardinal-évêque le plus ancien, titulaire du siège suburbicaire d’Ostie. C’est à lui qu’il revient de conférer l’ordination épiscopale à un cardinal élu pape qui ne serait pas encore évêque.
Droits et devoirs des cardinaux
Les cardinaux ont pour mission principale d’assister le pape dans le gouvernement de l’Église, que ce soit par leurs conseils ou par toute autre forme de collaboration. À ce titre, ils ont un accès permanent auprès du Saint-Père. La majorité d’entre eux résident à Rome sauf pour les évêques cardinaux (et non les cardinaux-évêques), dispensés de vivre dans leurs diocèses respectifs.

Le pape peut consulter les cardinaux à tout moment et sur tout sujet, mais il n’est jamais lié par leur avis. Seul le pontife suprême demeure juge des décisions à prendre.
Lorsqu’un pape décède, le droit d’élire son successeur revient exclusivement aux cardinaux, à condition qu’ils aient reçu au moins le diaconat. Durant la vacance du siège (lorsqu’il n’y a pas de pape), le Sacré Collège ne reçoit aucun pouvoir pontifical car la primauté de juridiction a été confiée à Pierre et à ses successeurs directs, non à un corps collégial.
En temps normal, les cardinaux assistent le pape principalement à travers deux types de réunions : les consistoires et les congrégations.
Les consistoires
Ce sont des assemblées générales des cardinaux présents à Rome. Elles sont rares et se tiennent à des intervalles irréguliers.
Il en existe deux types :
– Publics, où sont présents d’autres prélats et des représentants civils ; on y proclame les décisions prises en consistoire secret, on y célèbre des canonisations ou l’accueil d’ambassadeurs.
– Secrets, réservés aux seuls cardinaux ; en l’absence du pape, c’est le doyen du Sacré Collège qui en préside les travaux.
C’est dans ces consistoires secrets qu’on débat de toutes les questions dites consistoriales, c’est-à-dire majeures pour la vie de l’Église (la création de nouveaux cardinaux, les nominations, confirmations, ou déplacements d’évêques ou encore de la création, division ou modification des diocèses.
Les cardinaux n’y disposent que d’une voix consultative, et doivent toujours transmettre leur avis au pape, même s’ils sont en désaccord avec lui.
Les dicastères
En raison de la multiplicité et de la complexité des affaires ecclésiastiques, on a depuis longtemps réparti les compétences entre plusieurs congrégations (depuis la constitution apostolique Praedicate evangelium du Pape François, ce sont des dicastères), chacune chargée d’un domaine particulier. Il en existe 16 :
- Dicastère pour la Communication
- Dicastère pour l’Évangélisation
- Dicastère pour la Doctrine de la Foi
- Dicastère pour le Service de la Charité
- Dicastère pour les Églises Orientales
- Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements
- Dicastère des Causes des Saints
- Dicastère pour les Évêques
- Dicastère pour le Clergé
- Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique
- Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie
- Dicastère pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens
- Dicastère pour le Dialogue Interreligieux
- Dicastère pour la Culture et l’Éducation
- Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral
- Dicastère pour les Textes Législatifs
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