Dans un monde complexe, il arrive que selon certaines circonstances le chrétien se trouvant face à un dilemme grave ait le droit et le devoir de commettre ce qu’on appelle le moindre mal. Il est essentiel de comprendre ce principe et comment il s’applique concrètement dans la vie. Cet article explore la notion du moindre mal à la lumière de la foi chrétienne, ses fondements moraux et ses limites.

I. Comment savoir si un acte est bon ou mauvais ?
Pour savoir si un acte est bon ou mauvais, on doit se baser sur ces cinq facteurs :
- L’objet choisi
- La fin visée ou l’intention
- Des circonstances de l’action
- Sa conscience
- L’enseignement de l’Eglise
Généralement, la fin ne justifie jamais les moyens car pour qu’un acte soit bon, l’objet, l’intention et la fin visée doivent toujours être bonnes.
Une bonne intention ne rend jamais bon un acte mauvais. (Par exemple tricher pour réussir son examen).
Une mauvaise intention peut rendre mauvais un acte bon. (Par exemple faire l’aumône pour se faire bien voir des autres).
Les circonstances de l’action peuvent augmenter ou diminuer la faute selon la situation. Cependant il existe une exception qui s’appelle le moindre mal.
Cependant, il y a des actes qui par eux-mêmes et en eux-mêmes indépendamment des circonstances et des intentions restent intrinsèquement mauvais et illicites en raison de leur nature. Autrement dit, aucun motif ou situation ne peut le rendre moralement bon. Ces actes peuvent être : le blasphème, le parjure, le meurtre de l’innocent, l’adultère, la fornication etc.
L’enseignement de l’Église nous donne clairement un guide indispensable qui nous permet de comprendre ce qui est bien ou mal. Elle nous explique, par la raison et l’Écriture, en quoi chaque acte est bon ou mauvais.

II. Qu’est ce que le moindre mal ?
Le moindre mal est un “mal” que nous commettons pour éviter un plus grand mal derrière quand nous n’avons pas d’autres choix.
Prenons un exemple, nous savons tous que mentir est un péché. En 1939-1945, si votre voisin cache une famille juive et que les soldats allemands toquent à votre porte, vous demandant si vous connaissez des gens qui cachent des juifs, vous vous retrouver face à un dilemme :
- Dire la vérité et contribuer à la mort de cette famille
- Mentir pour protéger ces personnes.
Ici nous sommes confrontés à ce qu’on appelle le moindre mal. Dire la vérité reviendrait à tuer indirectement cette famille et donc constituerait un péché grave alors que mentir paradoxalement ne serait ici pas un péché car c’est un moindre mal.
Ce principe s’applique lorsque nous sommes confrontés à un choix entre plusieurs maux et qu’il n’existe aucun moyen de les éviter. Il s’agit alors de choisir le moindre mal. Toutefois, dans la pratique, l’application de ce principe reste souvent complexe.
Comprendre le cas de la légitime défense et du principe de guerre juste selon la foi chrétienne : -> Lire l’article
Pour bien comprendre la notion de moindre mal, il faut toutefois souligner qu’on ne peut jamais choisir directement un acte intrinsèquement mauvais comme solution. En réalité, la doctrine morale catholique articule la notion de moindre mal autour du principe du double effet, qui permet de tolérer un mal involontaire lorsqu’on pose un acte bon ou neutre.

Le principe du double effet dans le moindre mal
Dans l’enseignement catholique, la notion de moindre mal doit toujours être comprise à la lumière du principe du double effet. Ce principe moral enseigne qu’il n’est jamais permis de choisir directement un acte mauvais pour en tirer un bien (comme nous l’avons dit “la fin n’en justifie pas les moyens”).
Car si, par mon mensonge, la vérité de Dieu éclate davantage pour sa gloire, pourquoi, après cela, suis-je moi-même condamné comme pécheur?
Et pourquoi ne ferions-nous pas le mal afin qu’il en arrive du bien, comme la calomnie nous en accuse, et comme quelques-uns prétendent, que nous l’enseignons ? ceux-là, leur condamnation est juste !
Romains 3:7-8
Cependant, il peut être licite ou même considéré comme un devoir de poser un acte bon ou neutre qui entraîne comme effet secondaire un mal involontaire si les circonstances l’obligent.
Cependant, il peut être licite, ou même considéré comme un devoir, de poser un acte bon qui entraîne, de manière indirecte et non intentionnelle, un effet secondaire mauvais si les circonstances le rendent inévitable.
Autrement dit, on ne peut pas choisir directement de mentir ou de tuer un innocent comme moindre mal. On peut toutefois choisir de poser un acte juste (comme protéger la vie d’un innocent) même si cela entraîne un effet involontaire mauvais (comme la mort éventuelle de l’agresseur en cas de légitime défense ou le mensonge pour sauver une vie).
Ainsi, le principe du double effet suppose trois conditions essentielles pour qu’un acte reste moralement licite :
- 1️⃣ L’acte recherché en lui-même doit être moralement bon ou neutre.
- 2️⃣ La mauvaise conséquence ne doit pas être directement voulue mais seulement toléré par rapport au bien voulu.
- 3️⃣ Il doit y avoir une raison proportionnée et grave qui justifie de tolérer l’effet mauvais.
Cela garantit qu’on n’emploie jamais un mal comme moyen pour atteindre un bien, mais qu’on agit moralement bien tout en tolérant un effet indésirable qu’on ne peut éviter.
C’est à notre conscience de nous éclairer par la raison pour nous guider dans nos choix, notamment lorsque nous nous trouvons face à des dilemmes moraux et que nous devons justement discerner sur le moindre mal.

III. La conscience morale pour discerner le moindre mal
Qu’est ce que la conscience morale ?
La conscience morale est un jugement intérieur par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret qu’elle va poser, est en train d’accomplir ou qui doit être accompli.
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir
Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son coeur … C’est une loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme.
catéchisme de l’Eglise 1776
La dignité de la conscience et la responsabilité morale
La dignité de la personne humaine suppose que la conscience soit droite et bien formée car elle peut à cause de l’ignorance et de mauvais exemples conduire à des jugements erronés. C’est pourquoi, celle-ci doit être éclairée par la raison, la Parole de Dieu, la prière et l’enseignement de l’Église. Cette formation commence dès l’enfance et se poursuit tout au long de la vie.
Face à un choix moral, notamment lorsqu’il s’agit de discerner un moindre mal, la conscience est appelée à juger si l’acte envisagé est moralement le meilleur choix possible. L’homme doit alors rechercher la volonté de Dieu et choisir le véritable bien. Il doit veiller à ne pas céder à la tentation de justifier un mal sous prétexte d’un bien supérieur alors qu’il n’en est pas contraint.
Ainsi, la conscience morale est l’outil essentiel pour discerner et choisir dans la complexité de la vie morale. Pour le chrétien, elle est une boussole intérieure, qui invite à vivre dans la vérité et la charité, même dans les situations les plus délicates.
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