La sexualité : entre exigence et miséricorde

Dans notre première partie, nous avons découvert la vision lumineuse et prophétique de la Théologie du Corps (TDC) de Saint Jean-Paul II : la sexualité est le “langage du corps” destiné à exprimer le don libre, total, fidèle et fécond du mariage. Ce don est donc une icône de l’amour du Christ pour son Église.

Pourtant, cette haute vocation se heurte à la réalité de la concupiscence et aux contresens de notre société. Ce deuxième article va explorer les conséquences concrètes de cet idéal :

  • Pourquoi l’Église considère certains actes sexuels comme des “faux prophètes” (mensonges du corps).
  • Comment la contraception falsifie le don total.
  • Comment vivre le chemin exigeant mais libérateur de la chasteté.
  • Le rôle fondamental de la miséricorde pour nous relever dans nos chutes.

PARTIE 1 : LES “FAUX PROPHÈTES” / QUAND LE LANGAGE DU CORPS EST FALSIFIÉ

La société actuelle propose un usage de la sexualité qui, par essence, coupe le lien entre l’amour (union) et la vie (procréation), et qui fragilise la capacité de la personne à se donner véritablement. Ces pratiques, selon l’enseignement de l’Église, sont des “faux prophètes” car elles donnent l’apparence du don tout en le contredisant dans son essence profonde.

1.1. La Contraception : Le “Non” au Don Total et Fécond

L’interdiction de la contraception artificielle (pilule, préservatif, stérilet…) par l’Église, réaffirmée avec force dans l’encyclique Humanae Vitae, est l’une des positions les plus controversées. La Théologie du Corps permet de comprendre le motif profond de ce refus.

  • Le Mensonge du corps : L’acte conjugal, par sa nature même, porte la potentialité de la vie. Utiliser un moyen contraceptif revient à séparer artificiellement les deux significations intrinsèques de l’acte sexuel : l’union des époux et l’ouverture à la procréation. Les époux disent par leur corps “Je te reçois totalement” (union), mais s’assurent que cet acte n’aura pas sa conséquence naturelle “Je suis ouvert à la vie avec toi” (procréation).
  • Violation du Total : C’est un “non” à la totalité du don. Les époux retiennent une part essentielle d’eux-mêmes, leur fertilité, au lieu de l’inclure dans le don mutuel. Le don de soi devient conditionnel.
  • L’alternative : la Paternité Responsable (MNR)
    • L’Église appelle à une paternité responsable. Celle-ci implique le discernement moral, c’est-à-dire le choix d’agir selon la nature de l’amour et le bien de la famille.
    • Les Méthodes Naturelles de Régulation des Naissances (MNR) (méthode de l’ovulation Billings, symptothermie, etc.) c’est le moyen licite de vivre cette responsabilité. Elles ne “détruisent” pas le sens de l’acte, mais demandent aux époux de dialoguer avec le don de Dieu. En choisissant la continence pendant les périodes fertiles pour de justes motifs, ils respectent le langage du corps et la vérité de l’acte. Et on pense souvent que ces méthodes sont moins efficaces que les contraceptions artificielles, mais c’est faux. Le taux d’efficacité est estimé de 97 à 95% en utilisation optimale selon l’INSERM.
  • Sources : Paul VI, Humanae Vitae (1968) , JPII, Familiaris Consortio, CEC 2370.

CEC 2370 :

“La continence périodique, les méthodes de régulation des naissances fondées sur l’auto-observation et le recours aux périodes infécondes (cf. HV 16) sont conformes aux critères objectifs de la moralité. Ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté authentique. En revanche, est intrinsèquement mauvaise ” toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation ” (HV 14) :

Au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire selon lequel il ne s’agit plus de se donner totalement l’un à l’autre. Il en découle non seulement le refus positif de l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité interne de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière. Cette différence anthropologique et morale entre la contraception et le recours aux rythmes périodiques implique deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine irréductibles l’une à l’autre (FC 32).”

1.2. Le Divorce (et remariage) : Le “Non” au Don Fidèle et Total (Indissoluble)

Le mariage n’est pas un contrat social qui peut être rompu à la convenance des parties, mais une Alliance indissoluble scellée devant Dieu et consommée par l’union charnelle qui est, elle-même, un serment corporel.

  • Violation de la Fidélité : L’acte sexuel dit “pour toujours” (Total et Fidèle). Le divorce civil, même s’il rompt l’union légale, ne rompt pas le lien sacramentel et le serment prononcé.
  • Adultère Objectif : Une nouvelle union célébrée après un divorce, alors que le lien sacramentel subsiste, est considérée par l’Église comme un adultère objectif (CEC 2384). Les personnes divorcées-remariées sont donc appelées à vivre la continence (le respect de la promesse faite) ou à rechercher une reconnaissance de nullité du premier mariage.

1.3. Pornographie et Masturbation : Le “Non” au Don (l’Anti-Don)

La sexualité chrétienne est fondamentalement relationnelle, visant la communion et le don de soi. Ces actes sont l’opposé : ils transforment la sexualité en un repli sur soi et en un moyen d’auto-satisfaction.

  • L’Amour de Possession :
    • Masturbation (CEC 2352) : Elle est un “acte intrinsèquement et gravement désordonné” car elle est un usage solitaire et égoïste de la faculté sexuelle. Elle retire l’acte de la finalité du don et de la procréation.
    • Pornographie (CEC 2354) : C’est l’utilisation et la déshumanisation de l’autre (réduit à un objet de convoitise) à des fins de plaisir solitaire. Elle représente l’incarnation de l’« adultère dans le cœur » (Matthieu 5 : 28) dont parlait Jésus. C’est le contraire absolu du “don désintéressé” et du respect de la dignité de la personne.

“Et moi, je vous dis que quiconque regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l’adultère avec elle, dans son cœur.” Matthieu 5:28

Pour aller plus loin, nous avons écrit un article dédié à ce sujet : lien vers article : Masturbation et Pornographie : Comment sortir de ce fléau ?

PARTIE 2 : LE CHEMIN CONCRET – VERTU ET MISÉRICORDE

2.1. La Chasteté : La Vertu qui Libère l’Amour

La chasteté est le chemin pour vivre la sexualité comme un don, quels que soient l’état de vie et les blessures.

  • Redéfinir la chasteté : Ce n’est pas la répression ou la négation de la sexualité, mais son intégration réussie dans la personne.

CEC 2337 La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité, de l’homme et de la femme.

La vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de la personne et l’intégralité du don.

  • La chasteté pour tous : La chasteté ne concerne pas que les célibataires, elle est la vertu de toute personne appelée à aimer en vérité :
    • Célibataires/Fiancés : La continence est le chemin privilégié (attente, préparation au don total).
    • Époux : La chasteté conjugale est l’expression de la fidélité, du respect de l’autre et de l’ouverture à la vie vécue dans la vérité et le dialogue. Ainsi, elle est l’art d’aimer dans le don total et la maîtrise de soi.
    • Consacrés/Prêtres : Le célibat pour le Royaume est donc une forme de don total, orienté vers la paternité/maternité spirituelle.
  • Les moyens concrets : La chasteté, comme toute vertu, ne se conquiert pas seul. Les moyens sont la prière, la garde du cœur (surveiller son regard et ses pensées), l’hygiène de vie, la prudence dans les relations, et surtout, l’accès aux sacrements.

2.2. La “Loi de Gradualité”

L’Église, à la suite du Christ, propose un chemin exigeant parce qu’il est un chemin de bonheur vrai. Mais elle n’ignore pas la faiblesse de l’homme, blessé par le péché et la concupiscence.

  • Concept de Familiaris consortio : La loi de Dieu est immuable et universel, mais l’homme avec la grâce de Dieu, avance “pas à pas” vers cet idéal. On reconnaît que la réalisation du bien peut passer par des étapes successives dans le cheminement de la personne.
  • Le refuge : L’importance capitale de la Confession fréquente pour se relever, réparer les ruptures, et grandir dans la grâce. La miséricorde de Dieu est toujours plus grande que notre péché. Le Seigneur, loin de condamner, nous invite donc toujours à nous relever et à “ne plus pécher”.

  • Un encouragement du Pape François :

“Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés”

(Amoris Laetitia, 305).

CONCLUSION : Croire à la Joie de l’Amour et à la Miséricorde

Pour conclure j’utiliserai une image de Christopher West (écrivain sur la TDC) :

  • La Création pourrait être comparé à la fabrication d’une voiture.
  • La Chute serait tel un accident qui cause la crevaison des pneus.
  • Le Salut ne consisterait pas à réparer les pneus, mais les remplacer par des ailes pour voler

La Bonne Nouvelle : malgré nos chutes, la Miséricorde de Dieu nous relève et fait repartir vers la joie de l’amour vrai.

Glossaire :

Théologie du Corps (TDC) : Ensemble de 129 catéchèses données par le Pape Jean-Paul II (1979-1984) expliquant la dignité, la vocation et le sens nuptial du corps humain, en revenant aux “commencements” de la Genèse.

CEC : Catéchisme de l’Eglise catholique.

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