Dans deux articles précédents, nous avons vu que l’être humain est créé par Dieu et à son image. L’Homme, créé par amour et destiné à la pleine communion avec Dieu, possède une dignité humaine infinie. De cette vérité de foi, la théologie propose une vision de l’Homme, composé d’un corps et d’une âme, l’esprit désignant la dimension la plus intérieure de l’âme. C’est ce qui s’appelle l’anthropologie chrétienne.
Dans cet article, nous définirons chaque composante de cette anthropologie en profondeur. Ensuite, nous verrons les hérésies liées à cette ethnologie avant de conclure.
Définition et position d’Aristote
Dans un premier temps, l’anthropologie est “l’étude de l’homme et des réalités humaines dans leur dimension biologique, sociale, philosophique et spirituelle.” C’est aussi, selon le Larousse, “une théorie philosophique qui met l’homme au centre de ses préoccupations.”
Dans la philosophie antique, Aristote nous propose déjà une conception originale de l’homme à travers sa théorie de l’âme. Selon Aristote :
L’âme est l’entéléchie première d’un corps naturel organisé
De anima, Aristote

En d’autres termes, pour Aristote, l’âme n’est ni une matière physique ni une substance indépendante : elle est le principe de vie qui donne forme et fonction au corps vivant. L’âme et le corps ne sont donc pas séparés et forment une unité indissociable.
Par ailleurs, Aristote vient distinguer plusieurs types d’âmes selon les êtres vivants :
- L’âme végétative. Cette âme assure les fonctions de la nutrition et croissance.
- L’âme sensitive, elle, est propre aux animaux. Elle permet la perception et le mouvement.
- L’âme rationnelle, propre aux humains, rend ainsi possible la pensée et de l’intelligence.
Les plantes exercent uniquement la fonction végétative, les animaux les fonctions végétative et sensitive, tandis que l’homme, par son âme rationnelle, exerce les trois fonctions. Il n’y a donc pas plusieurs âmes en l’homme, mais une seule âme, qui accomplit l’ensemble de ces fonctions.
Dans l’anthropologie chrétienne, l’homme est compris comme une unité de corps et d’âme, l’« esprit » désignant la dimension la plus profonde de l’âme par laquelle l’homme est ouvert à Dieu.
L’anthropologie chrétienne :
Avant tout, les notions de corps, âme et esprit sont déjà présents dans la Bible :
Que le Dieu de paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et que tout ce qui est en vous, l’esprit, l’âme et le corps, se conserve sans reproche jusqu’au jour de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ !
1 Thessaloniciens 5,23
Ce verset, situé à la fin de la lettre, exprime de manière globale le désir de sanctification intégrale de la personne humaine.
Le Corps : le premier lieu de relation au monde
Le corps constitue la dimension visible et matérielle de la personne humaine. Il est le premier moyen de relation à autrui et au monde, par l’intermédiaire des cinq sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher.
C’est à travers le corps que nous faisons l’expérience du monde et que nous entrons en communication avec les autres. Même blessé ou vulnérable, chaque corps mérite respect et bienveillance.
Le rapport au corps est souvent fragilisé dans la société contemporaine : rejet de son propre corps, hypersexualisation, survalorisation de l’apparence ou oubli du corps dans la vie spirituelle.
Pour y remédier, il existe plusieurs solutions :
- La prière
- Les sacrements : la confession et l’eucharistie
- La consultation d’un prêtre, d’un psychologue ou d’un accompagnant n’est pas à négliger

L’âme : le siège de la vie intérieure
L’âme est la partie invisible de l’être humain, principe de vie, de pensée, d’émotion et de volonté. Selon le catéchisme de l’Église catholique :
Souvent, le terme âme désigne dans l’Écriture Sainte la vie humaine (cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la personne humaine (cf. Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce qu’il y a de plus intime en l’homme (cf. Mt 26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ; 2 M 6, 30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu : ” âme ” signifie le principe spirituel en l’homme.
CEC – 363
L’âme humaine possède ainsi plusieurs facultés :
· L’affectivité (joie, tristesse, amour, peur, colère…),
· L’intelligence (capacité de comprendre, de raisonner),
· La volonté (capacité de choisir librement),
· La mémoire (capacité de se rappeler, d’apprendre).

Le CEC nous dit aussi :
L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu : elle n’est pas “produite” par les parents ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
CEC – 366
L’âme est le lieu de la relation à Dieu et aux autres. Elle oriente toute personne vers le bien, la vérité, la beauté et l’amour.
L’esprit : une ouverture au divin
L’esprit, selon l’expression de sainte Thérèse d’Avila, est « la fine pointe de l’âme » : il ne constitue pas une réalité séparée de l’âme, mais en désigne la dimension la plus intérieure. L’homme n’est pas seulement un être biologique ou psychologique ; il est aussi un être spirituel orienté vers une fin surnaturelle.

Le catéchisme nous dit encore :
“Esprit” signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle, et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu.
CEC – 367
Le Catéchisme n’introduit pas ici une troisième composante de l’homme, mais souligne que l’âme humaine est, dès sa création, ordonnée à une fin spirituelle.
L’esprit humain est marqué par :
· La capacité à aimer gratuitement (don de soi),
· Le désir de vérité absolue et de beauté parfaite,
· La quête du sens et de l’éternel,
· L’ouverture à la prière, au silence, à la contemplation.
L’homme est créé pour l’amour et pour Dieu. L’amour véritable est don de soi et non recherche égoïste de plaisir.
Les hérésies sur l’anthropologie chrétienne
Qu’est-ce qu’une hérésie ? => Pour en savoir plus, cliquez ici
Dans l’histoire, il y a de nombreuses doctrines qui ont proposé des conceptions de l’âme erronées, s’éloignant complètement de l’enseignement de l’Eglise. Parmi elles, certaines affirment, par exemple, que l’âme serait produite par les parents lors de sa conception. Comme nous l’avons vu plus haut, l’âme humaine est créée directement par Dieu. Elle ne provient en aucun cas de manière biologique. Une théologien et un exégète connu a été reconnu comme hérétique en raison de son hérésie : Origène.

L’apocatastase et la préexistence des âmes selon Origène
Chez Origène, il y a une doctrine qui se nomme l’apocatastase. Le terme signifie “rétablissement”. L’idée est que toute les créatures, sans exception (donc autant les démons que les anges), seront finalement réconciliées avec Dieu à la fin des temps
C’est une vision problématique qui est contraire à la foi chrétienne car elle impliquerait que l’enfer n’est pas éternel. L’enfer ne serait une étape de “transition” qui corrige et purifie les âmes avant leur retour final vers Dieu. L’apocatastase vient rendre l’enfer , le purgatoire et le jugement dernier inutiles.
La préexistence des âmes est un concept qui indique que les âmes sont créées par Dieu avant le monde et appartiennent, à la base, au monde spirituel. Ces âmes représenteraient des anges qui, ayant commis des péchés, seraient envoyés sur terre à des corps.
Cette conception de l’âme entre en contradiction avec l’anthropologie chrétienne, qui affirme bien que chaque âme est créée par Dieu au moment de la conception et qu’elle est unie à un corps. La théorie de la préexistence des âmes remet ainsi en cause la création et l’incarnation.
Ces doctrines ont été condamnées par l’Eglise, notamment lors du concile de Constantinople II en 553.
Conclusion
En somme, l’anthropologie chrétienne enseigne que l’être humain forme un tout indivisible, composé d’un corps et d’une âme. L’esprit, lui, exprime l’ouverture la plus profonde à Dieu. Depuis l’Antiquité, l’anthropologie cherche à comprendre comment est formé l’Homme. Le corps permet la relation au monde, l’âme est le lieu de la vie intérieure, et l’esprit ouvre l’homme à Dieu. Au fil de l’histoire, de nombreuses doctrines ont tenté d’expliquer cette réalité, mais l’anthropologie chrétienne insiste surtout sur l’unité profonde et la dignité de la personne humaine.