Le rôle des femmes dans la vie et la mission de l’Église
L’Église catholique, depuis deux millénaires, est nourrie par des figures féminines de grande sainteté, de sagesse, et de génie spirituel. Parmi celles-ci, quatre femmes ont reçu le titre prestigieux de « Docteurs de l’Église », reconnaissance rare qui témoigne non seulement de leur profondeur théologique mais aussi de leur influence durable sur la vie chrétienne.
Néanmoins, qu’est-ce qu’un Docteur de l’Église ? Que nous enseignent-elles sur la vocation féminine ? Que nous enseignent ces figures sur la place des femmes dans l’Église et dans le Dessein de Dieu ?
I. Qu’est-ce qu’un Docteur de l’Église ?
Le titre de Docteur de l’Église est donné par le Magistère à certains saints ou saintes dont l’enseignement est jugé universel, pertinent pour tous les temps, et fécond pour la foi.
Trois critères sont requis :
– une doctrine éminente,
– une sainteté reconnue,
– une approbation officielle de l’Église.
Ce titre fut longtemps réservé aux hommes, mais, l’Église a voulu reconnaître la lumière qu’apportent certaines femmes inspirées par l’Esprit Saint, capables de guider spirituellement le Peuple de Dieu avec autant de force et de justesse que les plus grands théologiens. Sur plus de trente-sept Docteurs de l’Église, quatre sont des femmes, proclamées entre le XXe et le XXIe siècle :
- Sainte Thérèse d’Avila (1970)
- Sainte Catherine de Sienne (1970)
- Sainte Thérèse de Lisieux (1997)
- Sainte Hildegarde de Bingen (2012)
Chacune, par son charisme unique, a manifesté une intelligence de la foi et un zèle apostolique digne des grands maîtres de la théologie.
II. Quatre voix féminines au cœur de la Tradition
Ces femmes ne sont pas devenues « Docteurs » en dépit de leur féminité, mais à travers elle. Elles n’ont pas revendiqué un rôle, elles ont incarné une vocation.
Elles ont enseigné non depuis une chaire académique, mais depuis leur expérience intérieure de Dieu, leur engagement radical et leur féminité assumée. Chacune exprime une modalité unique du « génie féminin » dans l’histoire du salut.
A. Sainte Thérèse d’Avila : la prière intérieure comme chemin royal (1515-1582)

Réformatrice du Carmel, femme d’action et de contemplation, mystique, elle enseigne que l’intimité à Dieu est à la portée de tous, si l’on ose entrer en soi pour y rencontrer le Christ. Son œuvre majeure, Le Château intérieur, propose une puissante pédagogie de l’union au Seigneur par la prière intérieure.
« Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie. Tout passe, Dieu ne change pas. »
Elle a fait entendre la voix d’une femme libre, passionnée de l’Eternel, capable d’exprimer la vie spirituelle avec rigueur et poésie.
Sainte Thérèse d’Avila est fêtée le 15 octobre. C’est également la patronne des écrivains catholiques et des personnes engagées dans la vie intérieur.
B. Sainte Catherine de Sienne : la parole prophétique (1347-1380)

Fille du peuple et messagère des papes, Sainte Catherine dialogue avec Dieu dans un feu mystique, mais parle aussi aux puissants avec audace. Sa doctrine est une parole de vérité, de réforme, de miséricorde. Elle dicta Le Dialogue, chef-d’œuvre de spiritualité. Illétrée, elle influença puissamment l’Église et la politique de son temps.
« Soyez ce que Dieu veut que vous soyez, et vous mettrez le feu au monde entier. »
Sa parole est celle d’une femme enflammée de l’amour du Tout Puissant, engagée dans les réalités concrètes de l’Église et de son époque.
A noter : Sainte Catherine de Sienne est la seule femme Docteur de l’Eglise qui ne fut pas religieuse, mais laïque consacrée, tertiaire dominicaine, vivant pleinement dans le monde tout en étant mystique.
Sainte Catherine de Sienne est fêtée le 29 avril. C’est également la co-patronne de l’Europe et la patronne de l’Italie.
C. Thérèse de Lisieux : la voie de l’enfance spirituelle (1873-1897)

Par son abandon radical, elle redonne à l’Évangile toute sa fraîcheur. Elle enseigne que l’amour seul est ce qui donne du prix aux actions humaines. Connue pour sa « petite voie », elle a enseigné une spiritualité fondée sur la confiance et l’amour. Dans Histoire d’une âme, elle révèle la puissance de l’abandon à la miséricorde divine.
« Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. »
Sainte Thérèse de Lisieux (aussi communément appelée « Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ») nous rappelle que la sainteté est accessible à tous, et que l’amour fidèle dans les petites choses a une portée éternelle.
Sainte Thérèse de Lisieux est fêtée le 1er octobre. C’est également la patronne des missions et l’une des co-patronne de la France.
D. Sainte Hildegarde de Bingen : la sagesse cosmique (1098-1179)

Mystique visionnaire, compositrice, médecin, abbesse bénédictine, théologienne, elle a eu une influence étonnante au Moyen Âge. Son œuvre foisonnante révèle le mystère de la Création, de l’Homme et du Salut dans une vision unifiée, poétique et prophétique.
« L’âme est dans le corps comme la sève dans l’arbre. »
Elle incarne une vision du savoir comme louange, unifiée par la foi.
Sainte Hildegarde de Bingen est fêtée le 17 septembre. C’est également la patronne des médecins et des thérapeutes naturels.
III. La vocation des femmes dans le Dessein de Dieu
A. Une dignité fondée dans la Création
L’Écriture affirme la complémentarité de l’homme et de la femme dès la Genèse :
« Homme et femme, Il les créa » (Gn 1, 27)
La femme n’est ni dérivée, ni secondaire : elle est égale en dignité et appelée à une mission unique. Le Concile Vatican II le rappelle :
« Tous les fidèles, hommes et femmes, ont reçu une dignité commune par le baptême. » (Lumen Gentium, 32)
B. Des figures féminines dans toute la Bible
L’histoire du salut est marquée par des femmes choisies par Dieu :
– Sarah, mère des croyants,
– Déborah, juge et prophétesse,
– Esther, sauveuse de son peuple,
– Marie, Mère de Dieu,
– Marie de Magdala, la première témoin de la Résurrection,
– Phoebé, diaconesse,
– Lydie, soutien de l’Église naissante
Chacune manifeste une dimension essentielle de la foi vécue : accueil, force, intuition spirituelle, fidélité, témoignage, service.
A noter : Toutes ces femmes sont considérées et reconnues comme des Saintes par l’Eglise.
C. Marie : icône parfaite de la vocation féminine

Marie, mère de Jésus et mère de l’Église, est la femme par excellence, modèle de disponibilité, d’humilité et de coopération avec la grâce.
« Marie dit alors: “Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.” Et l’ange la quitta. » (Luc 1 : 38)
Elle ne prêche pas, ne gouverne pas, mais elle engendre le Verbe en ce monde. Elle est le cœur priant de l’Église. Jean-Paul II écrit :
« L’Église apprend de Marie à être Mère et Épouse. »
IV. L’action des femmes dans l’Église aujourd’hui
A. Une présence décisive
De la catéchèse à la théologie, de la musique liturgique à la prière contemplative, des missions caritatives à la recherche intellectuelle, les femmes sont partout dans l’Église, souvent en première ligne. Leurs rôles sont variés, mais unifiés par le service de l’Amour.
Le pape François le souligne :
« L’Église a besoin du génie féminin à tous les niveaux. »
B. Un rayonnement non presbytéral, mais essentiel
Si l’Église n’ordonne pas les femmes prêtres, ce n’est pas une dévalorisation, mais une fidélité à la configuration sacramentelle du Christ Époux. Cependant, cela ne limite en rien la sainteté ou l’autorité spirituelle des femmes.
Saint Jean-Paul II écrit dans Mulieris Dignitatem :
« Le rôle des femmes dans l’Église est inestimable, même s’il n’est pas lié au sacerdoce ministériel. »
C. Une parole prophétique à redécouvrir
Les femmes sont souvent les sentinelles de l’invisible. Leur manière d’habiter la foi, d’éprouver les blessures du monde, d’écouter la Parole, porte un parfum prophétique indispensable. Les femmes Docteurs nous rappellent que l’Église grandit aussi par la voix de celles qui prient, écrivent, souffrent, conseillent, enseignent.
Conclusion :
L’Église, Corps du Christ, est à la fois masculine et féminine. Elle est enseignée par le Christ, mais elle est Épouse. Les femmes, dans leur diversité de vocations, rendent visible cette dimension nuptiale : elles rappellent que la foi est affaire d’amour, de confiance, d’abandon.
Les saintes Docteurs ne sont pas seulement des penseuses : elles sont des phares pour l’Église. En effet, elles témoignent combien elles ont aimé Dieu de tout leur cœur, avec toute leur intelligence et toute leur force. Elles montrent que la foi n’est pas affaire de genre, que la sainteté, l’intelligence et l’autorité spirituelle ne sont pas des privilèges masculins, mais des dons de Dieu pour tous et surtout, de passion pour la Vérité.
Elles appellent l’Église d’aujourd’hui à continuer d’écouter la voix des femmes, non comme des revendications à combler, mais comme des trésors à recevoir.
« Le cœur de l’Église est féminin, car il bat à l’unisson de Marie, dans la foi, l’accueil, la fidélité. »
(Benoît XVI)